Le matin le seul geste que je peux faire envers mon prochain...

... c'est lui tendre mon majeur.

Le matin donc, je salue le manager et le nain Qingyun - ça y est, l'anonymat est levé - d'un "zao" concis (littéralement : matin), sors de mon hostel et me jette dans la foule piaffant au passage piéton de la 6 voies, et je commence à râler contre tous ces connards de motards et de cyclistes qui me coupent la route.

Je chausse mes lunettes de soleil, mes écouteurs et mon masque anti-pollution et je me dis, quand même, heureusement que j'ai des oreilles. J'achète mon petit déj à la supérette ou à une chariotte dans la rue (c'est moins propre mais c'est moins cher). Les noms de ce que je mange ne vous diraient rien ; je ne mange que du salé, des machins frits ou bouillis ou à la vapeur, et il y a des fois où je ne sais même pas ce que c'est, mais ça passe, avec un petit café glacé ou un jus de carotte pour arroser le tout.

Et je commence mon sport de la journée, le slalom sprint en métro. Ca consiste à trottiner en se faufilant entre les gens et en gueulant CASSEZ-VOUS ! Je cours dans les escaliers au lieu de faire la queue aux escalators - je me dis que vu mon manque d'activité physique, je peux bien faire ça. La foule aux heures de pointe c'est à vous filer la nausée, et quand je ne suis pas scandaleusement en retard je m'offre le luxe de laisser passer une rame blindée. D'autant plus qu'au réveil j'ai l'estomac très sensible aux odeurs, le masque anti-pollution rose à petit chat c'est donc pas (que) pour la frime, c'est un relent d'altruisme qui m'empêche de dégobiller sur les autres usagés du métro (comme disait ce bon vieux San Antonio il me semble. Ou bien était-ce Quenaud ?).

A part ça, le matin mes pulsions sociopathes sont hyperactives, et je n'hésite pas à engueuler une shanghaienne joueuse de coudes ou une moto taxi qui bloque le passage. Et puis mon regard erre sur les  grandes affiches qui tapissent les couloirs de métro. Il y en a - très peu - qui me plaisent, la plupart suscitent en moi, je ne sais pas, de la haine. C'est un peu disproportionné, mais c'est tellement absurde que ça me donne envie de tout arracher, et de tout remplacer par, disons, des aquariums à méduses.

Bon, par exemple, il y a cette pub qui passe en boucle sur les écrans télé, avec le son et tout, pour un site de vente en ligne, Ganji. C'est cette nana qui se balade sur un âne atroce, avec des grands yeux fixes et un gigantesque sourire, le truc à te filer des cauchemars. A la fin il est tout chargé des merdes qu'elle s'est acheté sur internet, et, croulant sous le poids de sa folie consumériste, il manque de s'affaisser en tirant la langue.

A chaque fois je me dis, t'as raison, la cruauté envers les animaux c'est toujours marrant. Mais bon, Brigitte, sors de ce corps, il y en a plein d'autres qui me filent les glandes. Du genre la fille avec ses yeux grands ouverts qu'on dirait qu'ils vont sortir de leurs orbites tout ça pour te vendre un ignoble poulet frit ; des laowai dégueulasses qui se la pètent pour des marques de fringues, ou ce connard de Jay Chou qu'il est PARTOUT - Samsung, Metersbonwe, écran HD mes couilles. On voit pas mal Takeshi Kaneshiro - Lipton, Tissot, Prada, Armani... mais lui je l'aime alors ça va. Et Jackie Chan de long en loin évidemment.

Et puis, en heures creuses, tu peux avoir le métro pour toi tout seul.

C'est le genre d'image dont je rêve le matin.

Comments

[Diane]

Ooooh punaise, j'en peux plus de cette pub (la nana et l'âne). Elle passe non-stop ds le métro à Pékin aussi. Le cri qui précède l'entrée en scène de la mule me donne des boutons.